En 2017, le premier fabricant de tabac au monde, Philip Morris, prenait un tournant stratégique inattendu en annonçant qu’il allait désormais « œuvrer pour un monde sans fumée ». Pour étayer sa nouvelle mission, la multinationale se référait aux objectifs de Développement Durable (ODD) de l’ONU qui fixent 17 priorités environnementales, sociales et économiques (lien vers l’article complet Novethic dans mes sources).
Un tel message n’est pas crédible une seule seconde quand on sait que le tabac tue des millions de personnes dans le monde et que Philip Morris et les autres fabricants ont fait un énorme lobbying à partir des années 60 pour minimiser (c’est un faible mot) la dangerosité du tabac.
Que votre entreprise ait véritablement pivoté vers des valeurs plus durables ou que vous initiez tout simplement une communication environnementale, il est très facile de tomber dans les travers du « Greenwashing ». Dans la majorité des cas, cela n’est même pas volontaire, mais si la rupture avec votre ancien discours est trop grande, les consommateurs n’adhèreront pas ; et tous vos efforts auront été contre-productifs.
Comment faire, alors ? Ne pas tomber dans le discours « bisounours » / « on va sauver les ours polaires » ? Apparaître comme crédible dans votre démarche ?
1ère point : être cohérent
Quand vous vous appelez Patagonia, Vega ou Biocoop et que les valeurs environnementales sont au cœur de l’ADN de votre marque, vous n’avez aucun problème de crédibilité : vous êtes nés comme ça, c’est votre raison d’être depuis toujours. Pour tous les autres, pivoter vers un discours environnemental est un vrai travail de fond qu’il ne faut surtout pas prendre à la légère.
La première étape est de vous assurer que votre nouveau discours est cohérent avec vos valeurs, votre métier (votre « Core Business » comme on dit dans le jargon – quitte à changer de « Core business » ce qui est tout à fait possible), votre histoire. Sinon, au mieux, vous courrez le risque d’être inaudible ; au pire, d’attirer les foudres des consommateurs (et autres parties prenantes) sur vous.
Voici les questions à se poser avant toute démarche : quel est mon ADN ? quelles sont mes valeurs, ma personnalité de marque ? Ma mission est laquelle ? C’est quoi,ma promesse ? Quelle est ma cible de consommateurs et qu’attendent-ils de ma marque ?…
Pour regrouper tous ces éléments et vérifier leur cohérence globale, un très bon outil est la plateforme de marque.
2è point : avoir un discours clair et crédible
Rentrer dans un discours environnemental n’est pas anodin : vous faites appel à l’inconscient des consommateurs, à leurs peurs, parfois (par rapport à l’urgence climatique, par exemple), voire à leur sensibilité politique. Une certaine forme de délicatesse ainsi qu’une connaissance des ressorts psychologiques liés au sujet traité sont nécessaires.
Une fois que vous avez vérifié que le fil rouge de votre discours est cohérent, il va vous falloir le passer au « Crash test » de la crédibilité. Pour cela, votre grille de test peut comporter 6 critères* :
– mon argument est-il pertinent ?
– est-il exact ?
– vérifiable ?
– non trompeur ?
– non sur-estimé ?
-…et enfin, mon produit est-il efficace à l’usage ?
*Merci au Pôle Eco-conception qui propose cette grille dans le cadre de son webinar « La Communication environnementale en auto-déclaration »
Reprenons la liste…à l’envers 😉 :
1. Être efficace à l’usage :
Exemple, si vous vendez une lessive écologique (ou des balles/noix de lavage), mais que ça ne lave pas le linge, changez d’argument ! (c’était toute la polémique autour des balles/noix de lavage, il y a une dizaine d’années – balles qui ont disparu des rayons depuis, d’ailleurs).
2. Non sur-estimé :
« Le meilleur », « le + écologique », « la consommation la + basse »…Il est toujours risqué d’utiliser des superlatifs dans sa communication. On est jamais « le + vert » dans l’absolu, avec « la consommation la + basse » du monde ! On est « + vert » qu’un concurrent, que le leader du marché, que votre produit précédent. Assurez-vous que cela soit clair, sinon, c’est le tacle assuré (au mieux l’indifférence : « encore un qui se dit être ‘ le meilleur ’ ! »).
3. Non trompeur :
Il y a quelques années, une célèbre marque de voiture française que je ne citerai pas (leurs véhicules portent un losange sur la calandre ;-P), s’est vu censurer une publicité, au Royaume-Uni, pour une nouvelle gamme de voitures « zéro émission » ; ce dernier terme ayant été jugé trompeur.
Tout bon marketeur doit pouvoir justifier ses arguments (aidé par son département juridique…qui trouve toujours quelque chose à redire 😉). C’est aussi et surtout une manière de rassurer le consommateur sur la véracité de votre argumentaire. Quand vous prétendez être « vert », vous touchez la corde sensible des consommateurs ; on sort de l’argumentaire commercial lambda. Même sur un argument commercial plus classique, le consommateur doit pouvoir se faire sa propre opinion et ne se contente pas de croire, les yeux fermés, en la promesse d’une marque. Alors vous pensez bien que sur des argumentaires environnementaux, vous avez plutôt intérêt à être « béton » !
4. Vérifiable :
N’oubliez pas les astérisques ! Soyez clair sur vos sources ; donnez les moyens au consommateur de creuser votre argumentaire. Rien de pire qu’un argument commercial non justifié, non vérifiable par le consommateur. Le temps de l’auto-déclaration (« je suis le meilleur », « je suis le + vert ») est révolu. C’est le consommateur qui va juger lui-même de la pertinence et de la crédibilité de votre argumentaire, aux vues des informations que vous lui fournirez.
5. Exact :
C’est l’histoire du Dieselgate, ou, moins tragique, des consommations affichées sur une belle étiquette en magasin. Si vous annoncez des chiffres / certaines performances, mais que dans la vraie vie, celle de tous les jours, ça n’arrive jamais, vous risquez, là encore, le carton rouge.
6. Pertinent :
Reprenons notre cas d’un fabricant de voitures, qui communiquerait sur une beau label « Eco » tout vert, parce que son usine est labellisée ou que sa logistique se fait à 100% en mode rail…Ca n’est pas très pertinent, sachant que l’empreinte carbone d’une voiture est due à 90% à son usage (et on ne parle même pas de la pollution liée à ce même usage).
Si votre argumentaire passe, les 6 critères de ce crash test, avec brio, vous avez toutes les chances d’éviter le retour de bâton…voire même d’être efficace dans votre communication et de véritablement toucher au cœur vos cibles de consommateurs, qui deviendront sensibles à votre discours.
Quoi que…même pas sûr ! Et oui, parce que dans certains cas, vous avez beau être totalement dans le cadre de la loi et des normes, répondre à tous les labels nécessaires, être certifiés…il peut manquer ce petit supplément d’âme, qui fait que votre démarche va manquer de sincérité et de profondeur.
Nous en avons un très bon exemple, en ce moment, avec une campagne média diffusée par le syndicat des magasins bio spécialisés (Synadis)…qui nous amène au 3è point…
3è point : adopter une stratégie de communication sincère et transparente
Au-delà de la polémique potentielle de cette campagne média, on en revient à la cohérence de votre discours par rapport à qui vous êtes, mais plus encore, à la sincérité profonde de votre démarche ; qui devra s’accompagner d’une transparence totale dans votre communication.
Cohérence. Si par exemple, vous vendez du bio, mais que vous n’avez pas de démarche de commerce équitable, vous n’êtes pas crédible, puisque les 2 aspects sont, aujourd’hui, considérés comme étant indissociables, pour le consommateur.
Transparence. En 2016, GreenFlex, dans son étude Ethicity, révélait que 80% des consommateurs trouvaient que les fabricants ne leur donnaient pas assez d’informations sur les conditions de fabrication de leurs produits. Dans l’alimentaire, en particulier, 8 consommateurs sur 10 souhaitent plus de transparence sur les produits proposés en linéaire.
Si votre démarche environnementale est cohérente et sincère, alors vous n’avez aucune crainte à mettre sur pied une communication transparente. Les consommateurs sont souvent perdus entre les arguments de toutes les marques. Parfois, un seul label fait l’argumentaire de toute une filière ; c’est le cas, par exemple, du Bio, avec le fameux label AB que tout le monde affiche, du pionnier du bio responsable et équitable jusqu’au hard-discounteur. Les consommateurs ont donc besoin d’informations pour faire leur choix au milieu d’une offre pléthorique, aux arguments équivalents, en tous cas en surface.
Avoir une communication transparente décuplera donc la crédibilité de votre argumentation. Vous pourrez même en faire un élément de différenciation de marque. Pas besoin d’ailleurs d’attendre d’être irréprochable pour initier ce type de démarche. Les consommateurs comprennent très bien qu’une transition prend du temps, qu’on ne peut pas tout faire en même temps. S’ils entendent dans vos propos cette cohérence, cette sincérité et qu’ils sentent cette transparence et ce « lâcher prise » dans le discours de la marque, personne ne viendra vous critiquer.
Qu’est-ce que cela veut dire concrètement, avoir une communication transparente ?
D’abord, cela veut dire, ne pas avoir peur de dire que vous avez changé, que vous avez compris (les nouveaux enjeux sociétales et climatiques), que vous allez intégrer ces enjeux dans votre stratégie d’entreprise à partir de maintenant. Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis. Encore une fois, si la démarche est sincère, vos parties prenantes trouveront cette démarche courageuse et intelligente ; ils vous soutiendront.
Cela veut dire également, être proactifs plutôt que de chercher à se justifier et s’excuser en permanence. Un bon exemple est Intermarché qui a décidé de modifier 900 de ses recettes pour obtenir de meilleurs notes sur l’application Yuka. Ça ne sert à rien d’aller à l’encontre des tendances de fond, de ces nouvelles manières de consommer . Vous n’en sortirez jamais gagnants. Considérez-les plutôt comme des partenaires que des adversaires.
Cela veut encore dire, digitaliser votre démarche. Ayez une communication omnicanal ; rentrez dans une relation interactive avec les consommateurs, dans une démarche collaborative, entendez ce qu’ils ont à vous dire. Vous en sortirez intensément plus riches. Votre démarche RSE sera d’autant plus facilitée et vous créerez une relation très forte avec vos consommateurs.
Finalement, soyez « vrais » ! L’humour, l’auto-dérision, peuvent être des leviers. Très puissants pour amorcer une communication environnementale.
Pour clôturer cet article. Je ne résiste pas à l’envie de partager avec vous la dernière campagne de pub de Fleury Michon.
Bonne digestion.
Sources / Pour aller + loin :
- « La Communication environnementale en auto-déclaration », Pôle Eco-conception
- « Philipe Morris veut se refaire une santé grâce aux objectifs du Développement Durable », Novethic : https://www.novethic.fr/actualite/gouvernance-dentreprise/entreprises-controversees/isr-rse/philip-morris-veut-se-refaire-une-sante-grace-aux-objectifs-de-developpement-durable-147864.html?utm_source=Abonn%C3%A9s+Novethic&utm_campaign=d8a8893293-Recap_2019_11_01&utm_medium=email&utm_term=0_2876b612e6-d8a8893293-171506545
- Modèle de « Plateforme de marque » : https://youtu.be/FTvaxFFOOv8
- Campagne média Synadis : https://youtu.be/FTvaxFFOOv8
- Pub Renault “Zéro émission » censurée : https://www.automobile-propre.com/la-pub-renault-sur-les-vehicules-electriques-censuree-au-royaume-uni/
- Intermarché modifie 900 recettes : https://www.ladn.eu/entreprises-innovantes/transparence/intermarche-modifier-900-recettes-meilleur-yuka/