J’ai eu le plaisir d’interviewer Jean-François MIELLET, président et fondateur d’@Ecovalim, une entreprise de l’économie circulaire, reconnue sur la région AURA.
Ecovalim est un acteur précurseur et innovant dans le tri et la valorisation de biodéchets. Son métier ?Récupérer des biodéchets auprès des professionnels du « hors foyer » (restauration, hôtellerie…), pour ensuite les valoriser sous forme de compost ou d’énergies « vertes ». Leurs clients passent ainsi de producteurs de déchets (= valeur ajoutée nulle) à fournisseurs de bioénergie et de sous-produits biosourcés. Ou comment transformer une contrainte en opportunité !
C’est cette extraordinaire aventure vertueuse – et rentable – que je voulais partager avec vous, aujourd’hui.
Bonjour Jean-François !
Pour commencer, racontez-nous un peu votre parcours et ce qui vous a amené à créer Ecovalim ?
Après des études de transports et logistique, j’ai travaillé des années pour des groupes de transports anglo-saxons.
À la suite d’une restructuration, j’ai quitté ce monde du transport et intégré le monde du « déchet », par la porte de la logistique, toujours. Et je me suis passionné pour ce secteur. L’idée d’Ecovalim est née à cette époque, sans pour autant pouvoir développer l’idée en interne. J’ai donc quitté mon entreprise de l’époque, ISS, pour créer Ecovalim.
Pourquoi les biodéchets ?
Emergeait à cette époque (fin des années 2000) l’idée de mettre en place des filières autour des biodéchets ainsi qu’une réglementation. Cette réglementation est arrivée en 2013 et d’ici là, il fallait structurer toute la filière (logistique, services, débouchées…).
La vision d’Ecovalim était de maximiser un « retour à la terre » pour ces biodéchets – et s’inscrire complètement dans une logique d’économie circulaire.
Comme la filière était naissante aux début d’Ecovalim – et les clients rares – j’ai voulu concentrer notre activité sur les déchets sous-exploités et donc à gros potentiel, comme le marc de café ou les huiles de cuisson.
Nous avons investi + de 1 million d’€ en R&D pour étudier ces potentiels.
D’ailleurs, notre différenciation repose sur notre approche de l’innovation. Nous ne nous limitons en rien dans les études de faisabilité de valorisation de tel ou tel nouveau déchet.
C’est beaucoup d’argent, surtout pour une toute jeune structure ! Avez-vous été aidé dans le financement de cette R&D ?
Sur le million d’€ investi, seuls 30 000€ sont venus de fonds publics. Malgré tous les dossiers que nous avons remplis, nous ne rentrions jamais « dans les cases » (la réglementation et les filières sur les biodéchets et leurs sous-produits émergeant tout juste, à cette époque).
Nous avons donc principalement financé tout cela en interne, en travaillant parfois en partenariat avec des écoles, des laboratoires ou mêmes d’autres entreprises privées.
Dites-nous en plus sur ces « sous-produits ». En particulier ceux du marc de café.
Gunter PAULI explique dans son livre L’économie bleue, qu’entre la plantation et la tasse, l’Homme n’exploite que 0,2% de la matière provenant du caféier ; les 99,8% restant sont des déchets. Il semblerait que grâce à Ecovalim la filière café devienne un peu plus vertueuse ?
Aujourd’hui, nous avons réussi à développer plusieurs sous-produits issus du marc de café, tels qu’un gobelet, une cuillère, un plateau et même un seau à Champagne.
L’idée est d’abord de proposer des sous-produits, utiles pour nos clients restaurateurs chez qui nous collectons les « déchets »
Avec le marc de café nous récupérons le plastique des capsules – celles ne contenant pas d’aluminium ! – qui va nous servir de liant pour créer ces sous-produits. Rien ne se perd, tout est recyclé !
Vos clients vous achètent-t-ils vos sous-produits par connivence ou êtes-vous vraiment compétitif ?
Nos sous-produits répondent aux normes en vigueur et ne coûtent que 10-15% + cher que des produits « Made in China ». Cerise sur le gâteau, contrairement à ces produits concurrents asiatiques, nos sous-produits sont recyclables à l’infini !
Quels sont vos prochains projets de développement ?
Nous avons des idées plein les cartons, mais cela demande des investissements en R&D, capacité que nous n’avons pas en permanence.
Quelles sont vos sources d’inspiration pour ces projets ?
Les idées viennent principalement de nos clients qui nous demandent de nouveaux sous-produits. Ce qui est magique c’est que nos clients ont maintenant totalement intégré cette démarche d’économie circulaire dans leur activité…et ils en redemandent !
Est-ce que votre démarche permet d’améliorer la rentabilité de vos clients ?
Oui ! Par exemple, le marc de café en tant que « déchet » (= 0 valeur ajoutée), coûte à un restaurateur 150-200€/tonne à recycler. Grâce au partenariat avec Ecovalim, ce même « déchet » lui coûte environ 3x moins cher.
Par ailleurs, cette démarche lui permet potentiellement de communiquer sur son engagement en termes de Développement Durable, d’améliorer son image de marque, sa marque employeur ou encore déclencher d’autres initiatives vertueuse au sein de sa structure…
Quelle est la taille d’Ecovalim, aujourd’hui ?
Nous sommes actuellement 11 salariés et avons fait un chiffre d’affaires d’1,5 million d’€ au dernier exercice.
Quelles sont vos défis au quotidien ?
Libérer de la ressource, financière et humaine, pour pouvoir investir sur de nouveaux projets.
Pour finir, quelques questions plus personnelles, pour découvrir l’homme derrière cette belle aventure qu’est Ecovalim.
Plus jeune que souhaitiez-vous faire de votre vie ?
J’ai pris la mesure de tout ce qu’il y avait à faire et le potentiel des déchets avec cette expérience chez ISS. Je n’avais pas du tout cette sensibilité étant plus jeune.
Pourquoi / pour quoi vous levez-vous le matin ?
Je suis plutôt de nature optimiste et ai tendance à voir la bouteille à moitié pleine !
Je m’inscris dans la « logique des petits pas. Mais pour amorcer un vrai changement, il faudra que les gros acteurs bougent, eux aussi.
Quelle est votre plus grande réussite, selon vous ?
Avoir pu transformer l’essai. De voir que d’une idée, j’ai réussi à construire une entreprise rentable. Une entreprise rentable ET un acteur de l’insertion professionnelle (60% de nos effectifs). Nos salariés en insertion sont inscrits dans un véritable projet professionnel ; ils adhèrent aux valeurs et à l’activité de l’entreprise. C’est un vrai « kiffe » de voir cet engouement ; qu’on a réussi à leur redonner envie ; qu’ils se sentent de nouveau utiles.
Cette réussite, se traduit, aujourd’hui, très concrètement, par le fait qu’on vient nous « chercher » pour notre expertise et ces sous-produits d’économie circulaire que nous avons inventé. C’est une pari gagné !
Citez les 3 qualificatifs qui vous définissent le mieux !
Développeur, ce qui m‘a permis de passer de l’idée à l’entreprise
Ingénieux, une revanche sur des études d’ingénieurs que je n’ai pas faites
Humaniste, sans quoi je n’aurais pas pu monter une structure comme Ecovalim
Quels conseils pourriez-vous donner à ceux qui voudraient se lancer dans l’économie circulaire ?
Pas la peine de se lancer dans l’économie circulaire si vous voulez devenir riche (financièrement parlant) ! En revanche, on peut très bien en vivre décemment ; et assurément s’enrichir, humainement et intellectuellement.
Il existe énormément de niches, de potentiels, dans l’économie circulaire, qui ne demandent qu’à être explorés et exploités ; alors, si vous adhérez aux valeurs et avez une idée vertueuse, foncez !
Merci beaucoup Jean-François pour cet échange et longue vie à Ecovalim !
Je remercie @romain papillon pour la mise en relation avec Jean-Francois MIELLET