Mon titre est un brin provocateur, je vous l’accorde ! Il faut dire que mon expérience de prospection pour proposer aux entreprises un accompagnement à la transition écologique m’a bien montré que, quand on propose à une structure de l’aider à se mettre au Développement Durable ou à l’économie circulaire, peu de portes s’ouvrent.
Pour beaucoup d’entreprises ce sont encore des termes totalement inconnus ou au mieux purement conceptuels. D’autres vous lâchent un grand soupir ! On sent derrière tout le poids et les contraintes que cela évoque dans leur imaginaire. Enfin, quelques uns vous répondent gentiment qu’ils ont d’autres choses bien plus importantes à gérer !
Oui, mais justement, ce qu’on s’évertuait à répéter à nos prospects, c’est que l’économie circulaire ce ne sont pas, comme on pourrait le croire, des coûts et des contraintes, mais d’abord des économies, voire des avantages concurrentiels, de nouveaux marchés et de nouvelles opportunités économiques. Une étude BPI expliquait même en 2018 que les entreprises qui faisaient de la RSE était 13% + performantes !
Si l’économie circulaire ou le Développement Durable sont encore des « gros mots » pour une large majorité des entreprises, toutes font du marketing et de l’innovation (en tous cas essayent d’en faire). Or, finalement, quelque part, faire de l’économie circulaire, ça n’est rien d’autre que de faire du marketing et/ou de l’innovation…avec un prisme particulier.
Démonstration !
D’abord, un bref rappel de ce qu’est l’économie circulaire.
- Définition (de l’ADEME) : « L’économie circulaire vise à changer de paradigme par rapport à l’économie dite linéaire, en limitant le gaspillage des ressources et l’impact environnemental, et en augmentant l’efficacité à tous les stades de l’économie des produits. »
Mais oui, vous avez bien entendu : « …en augmentant l’efficacité à tous les stades de l’économie des produits ». On est pas sur un p’tit nuage rose, là ! On est dans la vraie vie. L’économie circulaire, c’est du pragmatisme économique !
En image et pour résumer tout ce qu’englobe l’économie circulaire :
Voilà, maintenant que vous avez la définition et le p’tit schéma qui va bien, c’est parti pour les exemples (je vais essayer d’être court et pas trop rasoir !).
1. Extraction / Exploitations & achats durables.
Pourquoi croyez-vous que UNILEVER, 2è groupe agro-alimentaire au monde, a décidé de créer une filière de pêche durable (en 1997 en partenariat avec le WWF) ? Parce que si y’a plus de poissons dans les océans, y’a plus de Captain Iglo ! (pour information, le poisson est la denrée la + consommée au monde, bien loin devant le café).
Et on ne parle même pas des terres rares qui servent à fabriquer nos téléphones portables, ordinateurs et autres panneaux solaires, qui elles, ne se « reproduisent » pas aussi vite que les poissons (et dont l’extraction est extrêmement polluante, d’ailleurs).
Les entreprises doivent bien avoir en tête que derrière les produits finis qu’elles comercialisent, il y a des matières premières, qui sont des ressources naturelles. Si plus de ressources disponibles, plus de produits à vendre ! Rien de pire pour une entreprise de voir que son offre n’arrive pas à répondre à la demande.
2. Eco-conception
L’éco-conception consiste à développer un produit pour :
- qu’il soit + durable (+ facilement réparable, recyclable, éviter les ressources non renouvelables…)
- qu’il ait un impact environnemental le + faible possible (empreinte carbone la + faible sur tout le cycle de vie du produit, taille et type du packaging, mode de production, consommation d’énergie…)
Evidemment, l’éco-conception est motivée par des valeurs environnementales. Mais il se trouve que cela permet D’ABORD de faire des économies. Dans une étude publiée en 2017, l’ADEME démontre que l’éco-conception permet de :
– augmenter le chiffre d’affaires de façon significative (jusqu’à x5)
– réduire les coûts de production de façon tangible (jusqu’à -20%)
Rien de + marketing comme démarche que de trouver des opportunités pour augmenter le CA ou réduire les coûts de revient.
3. Ecologie industrielle (appelée aussi « synergie industrielle »)
Le principe est de proposer vos déchets à d’autres entreprises, géographiquement proches de votre implantation. Et vice-versa : aller chercher vos ressources et matières premières chez vos voisins plutôt qu’à l’autre bout de la planète.
Alors évidemment pour pouvoir faire cela, il faut connaitre vos voisins et leurs besoins. Pour cela des ateliers de synergie industrielle sont à organiser, avec l’aide de cabinet de RSE spécialisé dans le domaine (comme l’Orée), de votre club d’entreprise ou votre parc d’activité ou encore votre CCI. Vous pouvez également utiliser des plateformes digitales, comme Inex.
On cite souvent en exemple la démarche ECOPAL, qui a été la 1ère démarche de synergie industrielle en France. A date, celle-ci à permis d’économiser près de 60 millions d’€, des millions de m3 d’eau et d’éviter la production de millions de m3 de Co2.
J’aime aussi citer cette anecdote, lors d’un atelier de travail, où un maraîcher ne savait plus quoi faire des tonnes de noyaux de pêche qui lui restaient sur les bras. A l’autre bout de la table, une entreprise spécialisée dans les granulats pour poêle, qui lui répond que les noyaux de pêche serait une ressource idéale pour lui car particulièrement denses et donc parfaits pour la combustion.
C’est ça l’économie circulaire : du pragmatisme, de l’intelligence collective…et beaucoup d’économies à la clé.
4. Economie de la fonctionnalité
Jusqu’ici, en tant que consommateur, vous aviez l’habitude d’acheter et de posséder votre voiture, votre lave-linge ou encore votre téléphone portable. En terme de Développement Durable, l’inconvénient de ce modèle, est qu’il déresponsabilise le fabricant : une fois le produit vendu, ça n’est « plus son problème » quelque part ! Certaines mauvaises langues (;-P), auraient même tendance à dire que cela poussent les marques à faire de l’obsolescence programmée pour faire racheter le produit + souvent.
Dans le modèle de l’économie de la fonctionnalité, vous n’achetez plus une voiture mais un service de mobilité, par exemple. Cela veut dire qu’en contrepartie d’un loyer ou abonnement mensuel, la marque vous met à disposition le produit mais aussi assure le service après-vente…jusqu’à la fin d’usage du produit, pour ensuite vous proposer un produit de remplacement, et ainsi de suite.
Ce modèle responsabilise le fabricant et lui donne l’opportunité de :
- proposer un produit éco-conçu car + facilement réparable, + durable et recyclable au maximum (même quand le produit fini ne fonctionne définitivement plus, on peut toujours réutiliser certaines pièces qui seraient réinjectées dans le circuit de production – on appelle cela le remanufacturing)
- travailler sur l’ensemble du cycle de vie du produit (de la fabrication jusqu’au recyclage)
En terme marketing, les avantages pour le consommateur sont :
- un gain de pouvoir d’achat (le produit devient + abordable puisqu’il paye un loyer modéré tout les moins plutôt que de sortir d’un coup de grosses sommes)
- un meilleur service-client (fini le « désolé madame, votre garantie est caduque depuis…1 jour et 2h »)
…mais cela apporte aussi de nombreux avantages pour la marque :
- une fidélité client + grande (le consommateur ne rebat pas les cartes à chaque nouvel achat)
- une relation client + forte (vous êtes en relation avec votre consommateur pendant toute la durée d’utilisation du produit…un rêve pour tout marketeur de grande consommation)
- une bien meilleure visibilité sur votre trésorerie et un CA mensuel + lissé. Les abonnements rentrent automatiquement tous les mois dans les caisses de l’entreprises.
…Et bien sûr, pour le consommateur comme pour la marque la satisfaction d’être plus vertueux. A ne pas sous-estimer.
Un des + gros succès de l’économie de la fonctionnalité, dans le monde de la grande consommation. Le programme HP InstantInk. Pour un abonnement mensuel de quelques €. Vous imprimez autant que vous voulez, recevez automatiquement vos cartouches de remplacement à la maison et renvoyez – gratuitement – vos cartouches vides.
Alors que jusqu’en 2015, HP voyait son CA et son profit baisser de 10%/an. Chute des prix des imprimantes, concurrence des cartouches no name et recyclées,… Depuis 4 ans HP voit soon CA augmenter de 12% et son profit de 6%.
Alors ? Qui croit encore que l’économie circulaire ce sont des coûts et des contraintes ?
Je vous ai présenté les différents piliers d’une approche circulaire, en terme d’offre. De leur côté, les consommateurs sont de + en + sensibles à la démarche éco-responsable des entreprises et des marques auxquelles ils achètent des produits. C’est même devenu le 1er critère d’achat pour + de 70% d’entre eux (quand le prix reste le critère principal pour seulement 44% des consommateurs). Les labels et les applications pour les aider à choisir ces produits + éco-responsables se multiplient (8,5 millions de Français utilisent, par exemple, l’application Yuka). Il existe même des plateformes de boycott des marques qui auraient des comportements non-éthiques et non-responsables (i-boycott, par exemple) ; et cela a fait bouger même les plus grosses multinationales.
Enfin, les habitudes de consommations changent en profondeur (baisse de la grande distribution, explosion du bio, intérêt pour le bien-être, la santé…). De plus, ignorer cela c’est se condamner, à terme, puisque sans consommateurs, une marque n’est rien !
La bonne nouvelle, c’est qu’il existe des solutions, de nouveaux modèles à inventer. Cerise sur le gâteau, embarquer votre entreprise dans une démarche circulaire, c’est l’occasion de fédérer vos collaborateurs (et l’ensemble de vos parties prenantes) autour d’un projet innovant, créateur de valeur, passionnant…et qui a du sens.