Dans cet article je voudrais aborder les sujets suivants :
- Comment la crise sanitaire actuelle a clairement démontré notre incapacité à anticiper les crises, comme la crise climatique, par exemple.
- La crise sanitaire actuelle démontre-elle chaque jour, notre extraordinaire capacité à travailler, ensemble, dans le bon sens, avec résilience, dans un souci de coopération et d’entraide
- Les investissements MASSIFS et la crise sanitaire qui vont suivre seront une occasion unique d’éviter de retomber dans le « Business as usual »
Ces dernières semaines ont été très instructives à plusieurs égards, je trouve.
Les quelques jours et semaines qui ont précédé le confinement. Je n’ai pas résisté à l’idée de faire un parallèle entre cette crise sanitaire et la crise climatique vers laquelle va notre monde. On nous alertait déjà sur des gestes « barrière » pour éviter la propagation de l’épidémie et pourtant les gens continuaient allègrement de se faire la bise comme si de rien n’était, comme si ça n’existait pas. Je me suis même, personnellement fait chambrer par certaines personnes parce que je préférais ne pas leur faire la bise ou leur serrer la main (« Oh ! c’est ridicule », me répondait-on).
Quand le gouvernement a annoncé – au dernier moment – la fermeture des bars, entendre ces jeunes, interviewés, qui acquiesçaient sur le fait que c’était probablement une bonne décision, tout en se serrant les uns contre les autres au comptoir du bar, quelques heures à peine avant l’ultimatum. Voir encore énormément de monde dehors, dans les parcs, sur les berges des fleuves, en ville, quelques heures à peine avant le début du confinement…Tout cela m’a sauté aux yeux comme une analogie avec la crise climatique que le monde, n’arrive pas à anticiper, ne veut pas voir. Un monde qui veut maintenir, jusqu’au dernier instant possible, son petit confort.
Et comme d’habitude dans notre société française / européenne / occidentale, il faut des drames, il faut des morts (et pas peu) pour que les gens commencent à comprendre et agir intelligemment.
Aujourd’hui, plus personne ne peut nier la crise climatique qui arrive…qui est déjà à « l’œuvre »…et qui aura des conséquences considérablement plus importantes que la crise actuelle !
Tous les rapports scientifiques le démontrent ; tous les jours des chiffres nous le prouvent ; chacun peut constater de ses propres yeux, qu’il y a moins d’insectes, moins d’oiseaux, qu’il fait particulièrement doux l’hiver et toujours plus chaud chaque été, que les glaciers fondent comme jamais, les cours d’eau sont à sec…Et pourtant, on ne fait rien, ou presque. Comme ils sont étonnants ces humains, comme dirait probablement une bande d’extra-terrestres qui nous observerait !
Mais ces dernières semaines nous ont également montré qu’une fois la gifle encaissée, ces mêmes humains sont capables de créativité, d’ingéniosité, de coopération et d’entraide, pour agir vers un objectif commun, positif. On voit des voisins se découvrir alors qu’ils habitaient dans le même immeuble depuis des années ; une entraide intergénérationnelle comme on en avait plus vu depuis longtemps ; un souci des anciens, d’habitude trop souvent oubliés au milieu de nos vies trépidantes. On voit les gens se soucier de l’avenir des petits commerçants et des exploitants agricoles locaux ; les communes mettre en place, en quelques jours seulement (une réactivité et une efficacité jamais vu dans le domaine public, jusqu’ici 😊), des plateformes numériques ou physiques pour écouler les stocks des maraichers auprès des habitants. On assiste à un mouvement de gratitude et de solidarité incroyable envers les soignants, mais aussi des caissières, des livreurs, des éboueurs…
Tous ces gens, qui, d’habitude, sont « invisibles » dans la société et dont le travail, la participation au bien commun n’est absolument pas valorisée. On observe des entreprises privées mettre à disposition, gracieusement, des matières premières ou des produits, mais aussi leur savoir-faire, pour lutter contre le virus ; certains vont jusqu’à mettre à disposition leur propriété intellectuelle pour collaborer avec d’autres et inventer des alternatives aux dispositifs médicaux manquants.
Tous ces principes, toutes ces valeurs sont largement partagés et appliqués, depuis longtemps déjà, au sein de ce que l’on appelle l’économie sociale et solidaire : l’entraide, la coopération plus que la concurrence sauvage, le co-développement, la licence libre, le troc, l’idée de ne pas TOUT monétiser à tout prix, l’idée qu’une entreprise au-delà de son activité économique doit avoir une raison d’être, des valeurs, une éthique, est redevable auprès de sa communauté…doit être « contributive ». On entend plus du tout parler des « 1% », des dirigeants, des cadres supérieurs ; on parle – enfin – de ceux d’en bas, qui d’habitude sont méprisés, négligés…remplaçables comme des pions.
Et demain ?
Notre Président, lui-même, a pris conscience que le système médical, mais aussi certains services publics et certaines activités dites « stratégiques » ne doivent pas être abandonnés au seul système capitaliste ; qu’ »Il faudra tirer les leçons et interroger le modèle de développement dans lequel s’est engagé notre monde depuis des décennies« . Et pourquoi pas ? Les solutions existent (en tous cas une partie). Il suffirait qu’elles passent de l’exception à la norme. Parmi ces solutions on a pu déjà voir ces dernières semaines :
- Alimentation + locale (et bio) : avec la fermeture des marchés, les supermarchés se sont engagés à racheter les produits des producteurs locaux. Les consommateurs réclament de plus en plus, déjà depuis plusieurs années, le retour au « manger local et bio ». Espérons que ces référencements deviennent récurrents et majoritaires dans nos supermarchés, demain.
- Modèles économiques alternatifs : troc, coopération, dons, tarifs solidaires…On a vu émerger ces dernières semaines énormément de modèles « hybrides » ou alternatifs, comme on les appelle en ESS et en Développement Durable, et dont on connait la puissance sociale, mais aussi économique (oui, car quand vous donnez, vous finissez toujours par recevoir).
Arrêtons-nous sur un d’entre eux. Il existait déjà le concept du « café suspendu » : quand vous achetiez un café, vous en payiez 2, le 2è étant donné à une personne fragile. Depuis le début de la crise, la boulangerie en bas de chez moi, pour citer un exemple parmi tant d’autres, à mis en place les « viennoiseries solidaires » (pour 1 viennoiserie achetée, 2 étaient livrées à l’hôpital du coin à destination des soignants ; 300 viennoiseries ont ainsi pu être données en moins de 2 semaines).
Autre exemple, la directrice d’ATD ¼ monde, alertait, l’autre jour, sur le fait qu’à cause du confinement, les + pauvres, qui n’ont souvent pas d’abonnements téléphoniques illimités, ont des difficultés pour prendre des nouvelles de leurs proches ; ou n’avaient pas de forfaits « data » assez importants pour permettre à leurs enfants de suivre les enseignements en ligne…Rien n’empêcherait, demain, les opérateurs, de proposer des abonnements « solidaires » : je n’aurais personnellement aucun problème à payer quelques dizaines de centimes de plus – voire 1€, soyons fous ! – mon abonnement téléphonique , tous les mois, pour financer une cagnotte solidaire qui aiderait les plus fragiles (que les opérateurs abonderaient…encore mieux !).
- Relocalisation : même les rares personnes qui n’en étaient pas encore conscientes s’en sont rendu compte lorsque l’épidémie a touché la Chine : dans ce monde globalisé, nous sommes extrêmement dépendants d’autres pays…et en particulier de la Chine (« l’atelier du monde » comme on l’appelle). On apprend que la France n’a de capacités pour ne produire que 9 millions de masques de protection par semaine ; 1 milliards de masques ont donc été commandé…à la Chine. Aucun industriel majeur français ne produit de respirateurs, ni autre équipement médical, d’ailleurs (alors que nous avons parmi les plus gros laboratoires pharmaceutiques au monde). Se pose donc la question de notre dépendance à d’autres pays, voire une très grande dépendance à UN seul pays lointain, la Chine ; et la nécessite, peut-être, d’être plus autonomes (ou du moins, beaucoup moins dépendants) sur des marchés stratégiques (transport, énergie, santé, alimentation…). On se rend compte également en cette période de confinement mondial que plusieurs « petites » unités de production valent mieux qu’une très grosse unité de production…à l’arrêt !
En économie et en finance, c’est une règle d’or : « ne jamais mettre tous ses œufs dans le même panier ». C’est pourtant le capitalisme lui-même qui a érigé cette hyper concentration en norme de fonctionnement (ce qu’on appelle « les économies d’échelle »).
Après quelques décennies de délocalisation à outrance, les entreprises se rendent compte que produire en France, n’est peut-être plus une aberration économique. D’abord parce que le prix de la main d’œuvre dans ces pays – autrefois «à bas coût » – a explosée avec la demande ; ensuite parce que cela peut coûter « cher » en terme de réactivité sur le marché (il faut en moyenne 6-7 semaines pour faire venir des produits de Chine par bateau). Cela peut également poser des problèmes de qualité (les standards et les normes ne sont pas aussi exigeantes et protectrices pour les consommateurs qu’en Europe).
Cela pose aussi le problème de la disparition des savoir-faire sur notre territoire ; ce qui renforce encore plus, à terme, notre dépendance. Enfin, avec la prise en compte de plus en plus importante des externalités, produire à l’autre bout du monde alourdit largement le bilan carbone d’une entreprise. Les externalités, ces « coûts cachés » qui, au niveau comptable, font que produire en Chine parait économiquement évident. Sauf qu’aujourd’hui, on réalise, soudainement, de tous les inconvénients et risques induits.
Une crise, c’est une « opportunité » disent les Chinois (encore eux !). C’est peut-être le moment idéal pour reconsidérer tout cela…et faire mentir ces extra-terrestres, qui doivent nous trouver bien mâlins à l’heure actuelle !
Pour aller + loin : si vous voulez agir à vottre niveau, commencez par ça : https://fresqueduclimat.org/